Le rythme d’une journée
À l’automne, nous avons passé un week-end à Avignon – et oui, nous avons dansé sur le pont. Nous sommes également allés à vélo à la Chartreuse, un monastère du XIIIe siècle aujourd’hui transformé en centre d’accueil pour artistes en résidence. A son apogée, vers 1650, la communauté des Chartreux y comptait une centaine d’âmes : 24 Pères, 30 Frères et une cinquantaine de domestiques et d’ouvriers du sol. Les Pères disposaient chacun d’une « cellule » spacieuse composée d’un salon avec cheminée et d’un bureau de prière, d’un bureau/chambre à coucher, d’un jardin et d’un atelier de menuiserie au deuxième étage.
Les moines chartreux partagent leur temps entre la prière, la lecture, le travail manuel (jardinage ou menuiserie), le repos et les repas et les services de prière collective – et le font encore dans une vingtaine de monastères chartreux actifs dans le monde, dont la Grande Chartreuse près de Grenoble. L’ordre et le rythme de ces pratiques quotidiennes, combinant activités physiques, mentales et spirituelles, ont quelque chose de fascinant, même si l’accent mis sur le silence, la prière et la solitude (20 heures par jour sont passées dans cette « cellule ») doit forcément limiter l’adoption de choix de vie aux âmes les plus pieuses.
Une journée typique dans la vie d’un moine cistercien (pas le même ordre religieux, mais un horaire similaire) ressemble à ceci :
http://hg.moitel.free.fr/spip/IMG/pdf/f2_groupe_ro_le-socie_te_-med.pdf
Je possède une liberté étonnante et inhabituelle avec mon emploi du temps cette année. C’est une sensation de luxe hors du commun que de pouvoir explorer, en suivant un fil après l’autre dans une toile géante de questions interconnectées, de sauter entre les questions mondiales et l’engagement local, me penchant en alternance sur la philosophie et l’économie, la musique et la nature. C’est peut-être en contraste avec cette flexibilité extrême que j’apprécie aussi l’idée et la pratique de rythmes quotidiens : méditation, journal intime, café, lecture de nouvelles, écriture, promenades, réunions, lecture d’articles, écriture, yoga, guitare, repas, lecture de romans, sommeil.
Les rythmes circadiens sont ceux qui régulent le cycle veille-sommeil dans notre corps. Nous avons deux « creux » dans ces rythmes – un vers 2-4 heures du matin et un autre en début d’après-midi (heure de la sieste !). Les recherches montrent que le rythme circadien des adolescents est plus tardif que celui des jeunes enfants ou des adultes, ce qui les empêche de s’endormir avant 23 heures, avec un « creux » circadien matinal qui peut durer jusqu’à 9 ou 10 heures, surtout s’ils manquent de sommeil. La législature californienne a récemment adopté un projet de loi visant à retarder l’heure de rentrée des collèges et des lycées, bien qu’il n’ait pas encore été promulgué.
Je sais, grâce aux conseils de classes et autres commissions pédagogiques auxquels je siège au Collège (l’équivalent du secondaire 1 à 4 au Québec) de mon fils, que certains enfants ont du mal à arriver à l’école à l’heure, surtout lorsque la situation familiale est difficile. Mais il semble qu’il n’y ait pas de projet de modification des horaires de l’école française dans un avenir proche. Sinann quitte la maison la plupart des jours à 7h30 dans l’obscurité, traverse la forêt et le quartier à la course, pour commencer l’école à 8h. Je me lève avec lui par solidarité, et parce que cela m’aide à prendre mon rythme quotidien.
Un rythme peut aussi concerner une idée que nous mettons en lumière chaque jour, chaque semaine, toute une vie. La merveilleuse Elizabeth Sheehan, directrice exécutive de Climate Smart Business, m’a dit il y a quelques années qu’elle s’était engagée à accomplir deux actes de gentillesse et un de rébellion chaque jour. Cela m’a marquée, et lorsque je lui ai demandé de m’en dire plus récemment, elle m’a répondu :
Les mots sont un baume, les poèmes en particulier. , J’ai généralement une phrase, un poème ou une citation qui me fait traverser la journée, la semaine, voire quelques mois. À l’époque où nous avons parlé, c’était à la suite de la récente victoire de Trump aux États-Unis et je me demandais comment je pouvais me rebeller et ne pas m’engager dans une spirale de résistance comme seule réponse. Je suis donc tombée sur cet engagement envers la gentillesse – des actes de gentillesse qui sont aussi un complément à la rébellion. C’est à peu près à la même époque que j’ai découvert ceci : la gentillesse, c’est l’amour chaussant ses bottes de travail.
J’aime l’idée de la gentillesse comme acte de rébellion, et d’intégrer des défis comme celui-ci dans les rythmes quotidiens, avec les activités qui constituent le schéma et le rythme d’une journée.